Évolution de l'expression musicale occidentale
du Moyen-Âge à nos jours

Polyphonie et tonalité, émergence et transformations

Alain Boudet

Dr en Sciences Physiques

Résumé: Du plaint-chant à la polyphonie, de la monodie à l'harmonie, du modal au tonal puis à l'atonal, les formes de l'expression musicale n'ont pas cessé de s'inventer et de se réinventer tout au long de l'histoire. Dans cette évolution, c'est l'âme humaine qui s'explore sous toutes ses facettes. Quelle que soit l'époque, certaines musiques nous nourrissent, d'autres nous causent des préjudices.

Contenu de l'article

  1. Chant à une seule voix (monodie), 5e - 12e siècles
  2. Musique à plusieurs voix, 9e - 16e siècles
  3. Monodie accompagnée, 17e - 18e siècles
  4. Chromatisme et modulation, 19e siècle
  5. Musiques moderne et contemporaine, 20e siècle
  6. Tendances de la musique actuelle
  7. La musique, expression caractéristique d'une époque
  8. La musique, expression d'un choix d'être

Annexes


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Si nous observons les bacs des disquaires et leurs classifications, nous constatons bien vite que notre univers musical est incroyablement varié: chansons françaises ou étrangères, musiques pop, jazz, rock, musiques ethniques (africaines, arabes, latino, indiennes, asiatiques...), musiques "savantes" classiques, médiévales, baroques, contemporaines et expérimentales, musiques de relaxation et créations électroniques modernes, etc. Il semble que nous sommes dans une période où toutes les formes d'expression musicale sont possibles. Toutes les musiques se côtoient dans ce méli-mélo (terme fort à propos). Le temps et l'espace y sont rassemblés. Or cette situation est le fruit d'une histoire. J'ai eu envie d'en comprendre les ressorts intimes et le développement... et de partager avec vous ces trouvailles.

Une histoire des esprits et des sensibilités

Quels sont donc les ingrédients qui distinguent une musique d'une autre et qui produisent cette incroyable variété? Ne cherchez pas dans cet article des réponses techniques ou historiques précises. D'autres documents, d'autres sites Internet le font très bien (certains sont cités en fin d'article). Si mon propos est bien de poser quelques repères historiques sur l'enchainement des formes d'expression musicale en Occident, ce n'est pas dans le but de livrer des connaissances livresques et académiques. Il s'agit plutôt de rendre compte quels sont les ressorts de cette expression. Ce qui m'intéresse, c'est d'exposer, dans un langage concret et simple, comment les pratiques musicales, les savoir-faire et les concepts ont évolué au travers des oeuvres des compositeurs, comme témoin des possibilités créatrices de l'être humain.

Les formes évoluent, se complexifient et explorent des pistes nouvelles. Mais elles sont également vite codifiées et fixées en règles! Toutefois, la vie musicale se manifeste sans souci de ces règles, dans le déploiement de la créativité. De notre époque, nous sommes en mesure de contempler l'évolution des sensibilités et des esprits et cela nous amènera à élargir notre propre conscience. De ce point de vue, nous serons peut-être moins attentifs à la précision des dates si elles ne sont pas disponibles, ni même aux noms des compositeurs. Ceux-ci ne sont indiqués qu'à titre d'exemple, comme points de repère.

Pour mieux comprendre et sentir cette évolution musicale, je vous inviterai, du moins au début de l'histoire, à un atelier de chant imaginaire en cours d'apprentissage (accéléré). De la même façon que le peintre peut progresser en employant de nouvelles substances et de nouvelles couleurs, nous serons naturellement amenés à élargir notre gamme de couleurs vocales et musicales, soit dans l'ambiance d'un simple amusement, soit dans le but d'augmenter notre potentiel d'expression vocale en accord avec notre être profond.

C'est de façon assez analogue à la progression de l'atelier que la musique occidentale s'est transformée au cours de l'histoire.

Chant à une seule voix (monodie), 5e - 12e siècles

Voici donc notre groupe dans l'apprentissage d'une mélodie. Le professeur la chante et tout le monde la répète. Si le groupe est composé de débutants qui ont du mal à mémoriser toute une mélodie, il peut être approprié de commencer par une mélopée, une mélodie récitative qui évolue de façon proche du langage parlé et rythmé. On continue par un chant simple, et ensuite peut-être par une chanson populaire. Tout le monde chante donc la même chose, d'une seule voix, même s'il y a des hommes et des femmes. Dans notre vocabulaire actuel, on appelle cela de la monodie, qui veut dire: (mono) à une seule - mélodie. Puis on complexifie le chant en ajoutant d'autres éléments musicaux.

L'histoire de la musique occidentale au Moyen-Âge présente quelques ressemblances avec l'évolution de l'atelier de chant. L'une des formes anciennes de la musique liturgique est la psalmodie, récitatif qui s'appuie presque uniquement sur une seule note, comme la mélopée. Mais la forme la plus courante de la musique vocale occidentale au Moyen-Âge, du 5e au 12e siècle, était essentiellement la monodie, une mélodie chantée ou jouée par des instruments. On l'appelle le plaint-chant. Il s'épanouit dans le chant liturgique dit grégorien.

Il n'est pas facile de reconstituer ce qu'était la musique vocale ou instrumentale avant le 9e siècle, à cause du peu de documents disponibles, mais on peut en deviner certaines caractéristiques. Il n'existait pas de conscience d'une distinction entre différents types de musiques, comme nous le faisons actuellement entre musique profane ou religieuse, vocale ou instrumentale, bien qu'il existait probablement un style qui était utilisé pour les activités religieuses et un autre pour les activités quotidiennes et les réjouissances. Mais les deux types d'activités elles-mêmes n'étaient pas tellement séparés, car on avait une représentation du sacré et de la religion bien différente de notre pensée actuelle: une moisson est aussi bien une activité de labeur quotidien que l'hommage au don de la déesse.

Si l'on peut quelquefois avoir l'impression que cette musique est née de rien, cela est dû au manque de documents écrits pour rendre compte de ce qui se pratiquait. Or la musique et le chant se sont pratiqués à toute époque et dans le monde entier sous des formes diverses. Les pratiques antérieures au 9e siècle étaient donc probablement très vivantes. Pourquoi ne le seraient-elles pas en un temps où l'étaient les musiques grecques, arabes, etc. et où les échanges et les influences étaient nombreux. Rappelons-nous par exemple, que les arabes étaient installés en Andalousie et que la vie artistique et intellectuelle était très développée et englobait toutes les communautés de races et de religions. Le plaint-chant médiéval est donc probablement nourri d'apports et d'influences diverses, grecque, romaine, juive, arabe, et aussi galloise et celtique (voir par exemple le rayonnement des études de Pythagore dans l'article Ton et Intonation juste).

Ornementations et improvisations

Nous qui sommes habitués aux groupes musicaux comportant de nombreux instruments et aux effets de la sonorisation, nous pouvons nous demander si la monodie n'était pas monotone. Pour s'en rendre compte, écoutons des chants grégoriens. Si l'on entre profondément dans l'interprétation de la monodie, si l'on se laisse imprégner de ses résonances harmoniques, elle peut se révéler d'une infinie richesse.

Chant grégorien

Illustration sonore: Composition de Hildegarde de Bingen, 12e siècle. Monodie soutenue par un bourdon

Pour écouter l'extrait sonore

Dans ces musiques, les ornementations et l'improvisation sont omniprésentes. On retrouve cette manière de faire dans les musiques traditionnelles actuelles basées sur la monodie, telles que la musique indienne classique.

Dans l'atelier, nous aurons envie, après un peu de pratique, de nous départir de l'uniformité créée par l'apprentissage et la répétition. Les chanteurs à l'aise avec l'improvisation vont ajouter des petites variations, des ornementations, ou des digressions momentanées.

Si dans l'atelier un musicien est présent, violoniste, pianiste, saxophoniste ou guitariste par exemple, il aura probablement envie d'exécuter un accompagnement pour participer et ne pas rester en reste. L'accompagnant peut reproduire la même mélodie avec son instrument, avec quelques variations. Mais s'il s'éloigne de la monodie, commence à dialoguer avec les chanteurs, alors la musique devient plus complexe et on s'achemine vers la polyphonie.

L'évolution de la technique musicale n'est donc pas forcément réfléchie au départ. Elle vient en premier d'un désir de créer et d'exprimer des émotions.

Troubadours

Tandis que le chant grégorien exprime le sentiment religieux, d'autres chansons sont ancrées dans la condition sociale ou quotidienne: complaintes, chansons politiques, idylliques, érotiques, bachiques, satiriques, morales. La pratique des chansons médiolatines (en latin du Moyen-Âge) est attestée dès le 9e siècle.

Puis, dans la première moitié du 12e siècle et jusqu'à la fin du 13e, apparaissent les troubadours, s'exprimant en langue occitane, dans le midi de la France. Ils sont suivis par les trouvères dans le nord. Les premiers troubadours réputés dont nous avons connaissance sont Marcabru (né vers 1100, mort en 1150) et Bernart de Ventadorn (né vers 1125, mort vers 1200). Le mot troubadour vient de l'occitan trobar qui signifie trouver (comme d'ailleurs le mot trouvère). Le mot trouver, à cette époque, signifie trouver des idées, des mots. Trouver, c'est créer des poésies. Le mot trobar (en français trope) signifie poésie. D'ailleurs, on retrouve la même filiation en français, puisque le mot poésie vient du grec poiein ou poiesis, qui signifie fabriquer, produire, créer.

Le langage des chansons des troubadours comportait également un autre sens, hermétique, grâce auquel certains individus pouvaient communiquer entre eux. "Mon chant paraitra insensé ou sot à qui n'a pas le double entendement". Ce langage est fait de symboles, qui indiquaient une action à effectuer, notamment au moment des répressions des cathares. Seuls les initiés pouvaient comprendre, mais les troubadours n'étaient pas tous des initiés. Ce langage indiquait également comment accéder à l'Amour inconditionnel, qui est la force pour accéder à son propre accomplissement. Il y a probablement un lien (caché?) avec la constitution de l'Argot, langue codée qui parle l'art des Goths (gothique), peuple établi dans le sud de la France, l'art de la lumière, et avec la symbolique des Argonautes de la Grèce antique, à la recherche de cette lumière sous la forme de la toison d'or.

Le texte des chansons est un élément important de la communication. Il est probable que l'accompagnement instrumental passe au second plan et que les instruments doublent la voix ou sont joués en alternance avec elle. L'accompagnement est improvisé et comporte des intervalles de hauteur peu variés qui ne forment pas réellement une deuxième mélodie.

Musiques traditionnelles et ethniques

L'écoute des chants traditionnels ou ethniques actuels peut se révéler très instructive pour nous rendre compte de certaines pratiques anciennes. Chaque civilisation a produit des musiques parfaitement élaborées qui étaient leur expression propre: musiques d'Occitanie, de Corse, des pays arabes, d'Afrique, d'Inde, des Amériques du nord ou du sud, d'Océanie, de Chine, tziganes, géorgiennes, hongroises, etc.). Leur richesse est telle qu'elles ont fait l'objet de recherches comme source d'inspiration pour nos compositeurs modernes. Elles prennent aussi bien la forme de monodies que de polyphonies, avec ou sans instruments, avec une grande diversité de rythmes.

Musique à plusieurs voix, 9e - 16e siècles

Bourdon

La monodie proposée dans l'extrait sonore ci-dessus est accompagnée d'un bourdon. C'est la voix additionnelle la plus simple: un son de hauteur constante, qui est soit la note de base, soit une note en rapport avec elle, quarte ou quinte, en-dessous ou au-dessus.

Certains instruments disposent de bourdons intégrés par construction. Les vielles à roue (appelée autrefois chifonies) ont des cordes supplémentaires à son fixe, et les cornemuses (ou musettes, cabrettes, etc..) en peau de chèvre sont dotées de tuyaux à anche, de type hautbois, bourdons qui émettent un son fixe pendant que la mélodie est jouée sur le hautbois principal. Ces instruments existaient au Moyen-Âge, sous des formes variables dépendant de la région et du fabriquant.

Dans les musiques traditionnelles actuelles européennes, les bourdons sont très présents, aussi bien avec des instruments comme la cornemuse et la vielle à roue que dans les groupes de chanteurs. Ils peuvent être mobiles et suivre la mélodie, comme dans les chants géorgiens. En Inde, le bourdon est tenu par le tampoura.

Organum

Dans notre atelier de chant, il n'est pas rare que quelques personnes ne chantent pas "juste". Je veux dire qu'elles ne reprennent pas la même note que le reste du groupe et chantent plus bas ou plus haut. Il est également fréquent que la note qu'elles prennent alors spontanément soit en harmonie avec la mélodie du groupe, disons à une intervalle de quinte. Sans le vouloir, elles ont introduit une sorte d'ébauche de deuxième voix, et c'est déjà de la polyphonie. La polyphonie émerge donc assez naturellement quand plusieurs personnes chantent la même mélodie à des hauteurs différentes.

A partir du 9e siècle, on adjoint à la monodie une voix supplémentaire, l'organum, qui lui est parallèle. C'est le premier accompagnement au sens moderne du terme. Il est distant d'une quinte ou d'une quarte. Puis apparait le procédé nommé gymel (= jumeau) dans lequel la voix parallèle est placée à la tierce ou à la sixte.

Chant amérindien

Illustration sonore: Chant amérindien accompagnant un jeu de "société". Deux voix parallèles, l'une par les hommes, l'autre par les femmes

Le faux-bourdon désigne le procédé qui emploie deux voix supplémentaires, l'une à la quarte supérieure et l'autre à la tierce inférieure. Le chant principal, nommé cantus firmus ou teneur (tenor) se trouve placé à la position intermédiaire.

La pratique de l'organum se situe surtout aux 10e et 11e siècles, tandis que celle du gymel se situe plutôt au 12e et le faux-bourdon au 13e siècle. Mais on aurait tort de découper le temps en tranches trop nettes, car en vérité, une pratique nouvelle n'effaçait pas l'autre et de plus, les nouvelles formes n'apparaissent pas partout au même moment. Des pratiques diverses coexistaient.

Imaginons l'atelier bien à l'aise, se laissant aller à quelques improvisations en voix parallèles. L'ambiance est joyeuse, et certains ont envie de s'amuser par quelques fantaisies vocales, connivences et taquineries. Le chant devient support d'un jeu: on se rencontre par le regard et la voix, on simule des séparations aussitôt suivies de retrouvailles.

Le jeu qui consiste à être ensemble, se séparer et se retrouver se traduit en mélodie par: si tu montes, je descends, si tu redescends, je remonte et on se retrouve. C'est le mouvement contraire qui se distingue du mouvement parallèle. A la fin du 12e siècle, le chant principal se place à la partie inférieure (la teneur ou tenor), tandis que l'organum passe à la position de contre-chant au-dessus du chant principal en mouvement contraire (procédé nommé déchant).

Contrepoint

Acquérant plus d'aisance en improvisation, le groupe s'enhardit. Voilà maintenant que les réponses chantées ne sont ni parallèles, ni contraires, mais évoluent en toute liberté. Dans la mesure où les participants s'écoutent les uns les autres, ces mélodies s'accordent en harmonie les unes avec les autres.

Dans le contrepoint, qui se développe du 13e au 16e siècles, les mélodies se déroulent librement en restant en lien et dans le dialogue. Elles s'approchent, se frottent, se croisent, se séparent, se répondent. Les mélodies se déroulent horizontalement. Il n'y a pas encore la conscience de la verticalité. C'est en quelque sorte une polymélodie. Ce procédé s'ajoute aux autres sans les éliminer.

Avec cette liberté, les rythmes des mélodies simultanées ne sont plus calqués les uns sur les autres. Ainsi, la forme musicale du motet comporte une voix inférieure (tenor), qui tient longuement les notes du texte principal. Elle peut être doublée ou remplacée par un instrument. A celle-ci sont superposées une à trois autres voix (duplum, triplum et quadriplum) qui ont des textes différents et des rythmes plus rapides que la tenor. La seconde voix ou duplum s'appelle également motetus (d'où le nom de motet).

Au 14e siècle, certaines compositions à 4 voix (de Guillaume de Machaut par exemple) ne conservent pas le quadruplum, mais doublent la teneur par une contreteneur ou contretenor qui deviendra plus tard le haute-contre (en italien contralto). Ces deux voix constituent un duo grave qui évolue en valeurs longues, tandis que duplum et triplum forment un autre duo plus animé.

La production musicale était inventive et des formes variées coexistaient. On ne se sentait plus contraint par les formes liturgiques traditionnelles.

Chant corse

Illustration sonore: Paghjella, une forme du chant polyphonique corse à trois voix. La voix principale, a seconda, porte la mélodie. Les deux autres suivent en léger décalé: u bassu soutient la mélodie et a terza, sorte de contre chant plus aigu.

Polyphonie

Les compositions contrapuntiques se terminent par un ensemble des notes prolongées (3 notes s'il s'agit d'un contrepoint à 3 voix) dont l'oreille peut en reconnaitre la beauté et la plénitude. Elle repère ces concordances et les retrouve à l'intérieur même des morceaux, au hasard des rencontres des différentes voix et s'aperçoit qu'elles forment des structures verticales, les accords. Peu à peu se constitue une connaissance de ces accords. On les différencie, on les nomme, on les classe.

A la fin du 15e siècle, on a acquis la conscience du vertical. On a repéré la quinte, puis la tierce majeure, et l'accord qu'on nommera parfait. La polyphonie s'épanouit au 16e siècle (la Renaissance). Elle est illustrée par des compositeurs fameux comme Josquin des Prés, Guillaume Dufay et Giovanni Pierluigi da Palestrina. Les différentes voix y sont souvent d'égale importance.

Messe de Palestrina

Illustration sonore: Extrait du Sanctus de la Messe du Pape Marcel, de Palestrina. Polyphonie à 4 voix.

Monodie accompagnée, 17e - 18e siècles

Harmonie

Vers 1600, sous l'influence des innovations italiennes, la voix supérieure s'émancipe et prend sa liberté pour exprimer les sentiments personnels humains. C'est la monodie accompagnée. La mélodie est soutenue par une basse continue ou basse chiffrée. C'est une voix qui n'est pas écrite de façon précise et dont l'instrument n'est pas spécifié. Elle était habituellement exécutée par l'orgue, le luth, la harpe, le clavecin, ou même plusieurs instruments ou un orchestre.

Puis, vers 1650 et ensuite, les formes musicales deviennent plus élaborées et plus complexes: sonates, symphonies, etc. La mélodie prend le rôle d'un thème musical qui traverse l'œuvre en se transformant. C'est la période baroque ou préclassique (Henri Purcell, Marin Marais, Antonio Vivaldi, Jean-Philippe Rameau, Jean-Sébastien Bach...), suivie de la période classique (Joseph Haydn, Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig von Beethoven...) qui va évoluer en romantisme (Franz Schubert, Hector Berlioz, Frédéric Chopin, Johannes Brahms...).

Dans l'accompagnement de la mélodie, les accords jouent un rôle essentiel. On étudie leurs définitions et les règles de leur emploi. Ils deviennent des entités à part entière, des personnages avec leur vie propre, leur caractère et leur fonction, leurs interactions et leurs articulations. C'est l'harmonie. Même si au sens large du terme, l'harmonie est présente dans toute polyphonie, le mot a surtout pris le sens d'harmonie classique associée à la tonalité.

Dans l'atelier de chant, les participants adorent reprendre des chansons de variétés populaires. Un guitariste joue un accompagnement fait d'un enchainement d'accords. La presque totalité de ces chansons sont écrites selon les règles de l'harmonie classique et de la tonalité.

Tonalité

En se développant, l'harmonie délaisse les anciens modes qui ne sont pas adaptés à cette écriture verticale. Des modes de la période médiévale, il ne reste que le mode majeur, qui est le mode de DO, et le mode mineur qui est le mode de LA dont la note sensible SOL a été altérée en SOL# (voir article gammes et modes).

Dans ces modes, les enchainements de notes ramènent irrésistiblement vers la note de base, nommé tonique. La sensation de cette tonique est forte (voir en annexe: Affirmation de la tonalité). En même temps, on éprouve le besoin d'introduire de la variété en changeant de tonique. En conséquence apparait la notion de tonalité qui permet de passer d'une tonique bien identifiée à une autre. Aussi, lorsque le thème mélodique se déploie, on introduit des variations, des modulations en changeant de tonalité. Cela veut dire qu'on conserve le même mode majeur, mais on le monte ou on le descend (par exemple on passe de DO majeur dont la tonique est DO à MI majeur dont la tonique est MI). A moins qu'on ne passe en mode mineur (de DO majeur à DO mineur ou LA mineur) qui est une alternative. Toutefois, même si un morceau est écrit dans une tonalité déterminée, cela n'empêche des modulations momentanées de se produire à l'intérieur. Mais on revient à la tonalité initiale.

La tonalité s'oppose à la modalité. Dans les anciens modes, on restait fidèle à la tonique (appelée note finale), et on n'en changeait pas. Par contre, on changeait parfois de mode, dont on disposait en plus grand nombre (article Défilé de modes).

La tonalité consiste donc à décliner un mode (majeur ou mineur) à une hauteur donnée. Elle est affirmée à l'oreille par l'emploi des accords parfaits (quinte et tierce), et par l'importance de la septième note ou sensible. Elle crée une tension qui a besoin de se détendre, de se résoudre en appelant irrésistiblement la huitième note qui est la répétition de la première, la note de base (voir en annexe Affirmation de la tonalité, le rôle de la quinte diminuée). Cette tension n'existe pas dans la modalité ancienne qui évolue surtout au travers de grands intervalles. Au 16e siècle, les deux systèmes coexistent.

Tempérament

L'affirmation des règles harmoniques a amené l'introduction du tempérament. Le tempérament désigne la façon dont on définit la hauteur précise de chacune des notes du mode. La monodie grégorienne est liée au intervalles pythagoriciens fondés sur la triade quinte-quarte-octave elle-même issue de la quinte. Dans ce système, les tierces sont fausses au sens harmonique, mais cela n'importait pas puisqu'elles n'étaient pas utilisées (voir article Ton et intonation juste).

Avec l'apparition de la tonalité à partir du 16e siècle, la tierce entre en scène, et on la modifie pour qu'elle sonne juste. Plusieurs types de tempéraments sont employés, issus du tempérament de Zarlino, mais ce n'est pas encore le tempérament égal qui sera introduit plus tard. Aussi, les tons et autres intervalles entre notes n'ont-ils pas tous la même valeur. Par exemple, les 3 accords de base du mode majeur (bâtis sur les fondamentales DO, FA, SOL en tonalité de DO) sont justes. Quand on change de tonalité, cela change les intervalles. A chaque tonalité était attribuée une couleur particulière, un sentiment spécial provoqué par l'utilisation de ces intervalles différents. 

Enfin, à partir de 1650, moyennant une légère correction des quintes et des tierces, on simplifie en uniformisant tous les intervalles de même nom (tempérament égal et gamme tempérée). Alors, des notes comme RÉ# et MIb qui étaient distinctes deviennent identiques. Cela ouvre la voie au développement de la musique moderne.

Chromatisme et modulation, 19e siècle

Les compositeurs veulent des créations plus chatoyantes. Au lieu de se cantonner aux 7 notes de la gamme dans la tonalité choisie (par exemple DO, RÉ, MI, FA, SOL, LA, SI), ils vont flirter avec les 5 autres notes de la gamme chromatique (DO#, MIb, FA#, SOL#, SIb) qui sont altérées d'un demi-ton par rapport aux 7 autres. C'est une façon de donner plus de couleur (chromatisme signifie couleur). Au début ces notes ne sont que notes de passage, broderies, fantaisies, petites infidélités d'un instant.

Ces notes altérées appartiennent à d'autres tonalités. Aussi en introduisant une de ces notes, on s'engage fugitivement ou avec détermination dans cette tonalité (le plus souvent au moyen de la septième note de la tonalité vers laquelle on tend). C'est par ce moyen qu'on effectue une modulation.

Souvent on se maintient à la même tonalité, mais on se délecte de faire comme si on voulait en sortir, tout en y restant. On l'assaisonne avec de plus en plus de chromatisme. Or si on en introduit beaucoup, c'est comme si on changeait constamment de tonalité. C'est le chromatisme exploité pour lui-même, et pas simplement comme simple digression. Il est très employé par Claude Debussy (français, 1862 - 1918).

De la même façon, les règles de l'harmonie subissent des distorsions. On construit des accords de septième, puis de neuvième, onzième et treizième. Et on se plait à modifier les notes supérieures, comme César Franck (français, 1822 - 1890) et Richard Wagner (allemand, 1813 - 1883). Il y a une sorte de jouissance sensorielle à se baigner dans ces accords dissonants, leurs frottements, les tensions non résolues. A force de moduler, on ne sait plus où est la tonique initiale. La tonalité devient flottante. On perd le sentiment de tension qui cherche à se résoudre. On peut se diriger où l'on veut, dans toutes les directions (voir annexe Accords complexes: vers la polytonalité). Le tempérament égal, qui s'est imposé au début du 19e siècle, a énormément facilité ces modulations puisque tous les tons sont identiques et qu'on peut glisser d'une tonalité à l'autre en retrouvant les mêmes intervalles.

Partant du mode mineur, si l'on abaisse la septième note d'un demi-ton, on obtient l'ancien mode de LA. On sort du caractère tonal. C'est par cette voie qu'on a retrouvé de l'intérêt pour le caractère modal, puis pour les anciens modes à 5 et 7 notes. Ces modes ont fourni de nouvelles idées et conduit à construire d'autres modes. Debussy élabore sa gamme par ton où la quinte juste disparait, donc l'accord parfait, ce qui anéantit la tonalité. Dans son poème symphonique, La mer, on a le sentiment de moduler et de glisser sans arrêt, comme les vagues et les reflets de la mer. Cette musique faite d'une succession de petites touches d'impression est nommée musique impressionniste, par analogie avec les peintures du même nom.

Musiques moderne et contemporaine, 20e siècle

On a coutume de désigner par musique moderne la musique composée pendant la première partie du 20e siècle (Debussy, Gabriel Fauré (français, 1845 - 1924), Maurice Ravel (français, 1875 - 1937) ...), et par musique contemporaine celle de la deuxième moitié.

Atonalité

L'abandon de la tonalité et des modes majeurs et mineurs était effectif, sinon en théorie, du moins en pratique, ce qui a conduit les compositeurs suivants à prendre acte de cet abandon comme principe même de leurs oeuvres. Bela Bartok (hongrois, 1881 - 1945) emploie un mode issu de la musique traditionnelle hongroise qui ne comporte pas de note sensible, proche des modes médiévaux. Olivier Messiaen (français, 1908 - 1992) abandonne complètement les modes classiques. Il invente de nouveaux modes qu'il nomme modes à transposition limitée. (voir article Défilé de modes)

La remise en cause des règles classiques s'avance d'un cran supplémentaire lorsque Arnold Schoenberg (autrichien naturalisé américain, 1874 - 1951), puis Anton Webern (également autrichien, 1883 - 1945), élaborent le dodécaphonisme. Ils décrètent l'égalité de principe des 12 demi-tons (dodéca = 12). Autrement dit, même la hiérarchie des notes qui prévalait dans les modes a été éliminée. On peut se promener où l'on veut, d'intervalle en intervalle, sans se soucier de tonique ou de dominante. On conserve toutefois les 12 demi-tons de l'échelle tempérée. Les accords harmoniques n'ont plus leur place. Ils sont remplacés par des agrégations verticales où toute superposition de notes est possible.

La remise en cause des règles tonales, modales et harmoniques entraine avec elle la révision de toutes les dimensions de la musique, les échelles sonores, les formes rythmiques et les timbres. Les esprits sont en effervescence et s'efforcent de sortir des normes habituelles. Pourquoi, pensent-ils, obéir à de vieilles lois qui ont été exploitées et usées dans tous leurs recoins? Ils prennent conscience que ces lois ne sont pas inéluctables, que la création humaine a bien d'autres ressources et peut emprunter bien des chemins. On entre dans une démarche d'exploration de tous les aspects du phénomène sonore. Le phénomène sonore fascine par lui-même. Il s'agit réellement de musique expérimentale.

Diversification des hauteurs de son

Ensuite certains remettent en cause l'échelle des 12 demi-tons égaux. Ils les remplacent par des intervalles de tailles extrêmement diverses. On divise l'octave en 22 intervalles égaux, en 31, 41, 53 ou autres, ce qui crée des micro-intervalles qu'on appelle des quarts de ton, des huitièmes de tons, etc. Ceci se produit dès le début du 20e siècle - Charles Ives (états-unien, 1874 - 1954), Ivan Wyschnegradsky (russe, 1893 - 1979), mais surtout après 1960 - György Ligeti (hongrois, 1923 - 2006), Maurice Ohana (français d'origine espagnole,1914 - 1992), Luigi Nono (italien, 1924 - 1990).

Finalement, il n'est même plus besoin de fragmenter l'octave en paliers. A partir de 1948, on s'autorise l'utilisation de l'échelle complète continue des sons, de l'ensemble des fréquences, par exemple sous forme de glissandi (Iannis Xenakis, architecte et compositeur grec exilé en France, 1922 - 2001), un peu à la manière des sirènes ou du bruit du vent.

La découverte ou redécouverte des musiques modales du Moyen-Âge ou des musiques traditionnelles européennes et encore plus extra-européennes se révèle une source importante d'inspiration et de réflexion sur la remise en cause des échelles sonores et du tempérament. Ces musiques présentent une diversité de systèmes sonores d'une extrême richesse. On considère les musiques ethniques avec un autre regard, envisagées non plus comme des musiques rudimentaires de "sauvages", mais au contraire recelant des systèmes élaborés.

Dans l'atelier de chant, il est facile d'apprendre des chants d'autres traditions: Moyen-Âge, Afrique, Russie... Par les disques, les films, les émissions télévisées, nous sommes maintenant familiers avec ce genre de musique et ces modes de toute nature, au point qu'on ne se rend même pas compte qu'ils ne sont pas composés dans les modes classiques. Il faudra un peu plus d'entrainement et un sens de l'aventure pour reproduire des modes de Debussy, Bartok, Messiaen ou d'autres compositeurs modernes.

L'intérêt pour les musiques ethniques est antérieur à cette époque, il est né avec les récits des grands explorateurs, et les objets ou personnes qu'ils ramenaient. Jean-Philippe Rameau, au 18e siècle, dans son opéra-ballet "Les Indes galantes" voulait amuser les aristocrates et la cour par des danses de "sauvages" (ce qui n'enlève rien à sa qualité musicale). La mentalité évoluant, c'est avec plus de compréhension et de respect que les compositeurs du 19e siècle explorent les traditions de leur propre pays, puis celles des autres: Bartok et Zoltan Kodaly (hongrois, 1882 - 1967), Edward Grieg (norvégien, 1843 - 1907), Antonín Dvorák (tchèque, 1841 - 1904) et la musique slave et les musiques noires américaines, Debussy et les modes de l'extrême-orient, etc..

Diversification des formes rythmiques

Le contact avec d'autres sonorités suscite également un renouveau de l'approche des notions de rythme et de timbre. Par le passé, les rythmes se réduisaient à la division du temps en 2 ou 3, et s'inscrivaient dans des mesures à 2, 3 ou 4 temps. Or les musiques ethniques et folkloriques offrent une diversité de rythmes incomparable.

La diversification des formes rythmiques est particulièrement nette avec Igor Stravinsky (russe naturalisé états-unien, 1882 - 1971). Dans son œuvre Le sacre du printemps, il se sert de rythmes constamment changeants comme expression de la force vitale primaire et fait voler en éclats la division binaire et ternaire. Bartok et Messiaen, puis les compositeurs de la musique dodécaphonique oseront d'autres formes rythmiques. Bartok puise son inspiration dans les rythmes du folklore hongrois où il trouve des temps inégaux. Messiaen étudie les chants des oiseaux, tente d'inscrire leurs rythmes selon les procédés indiens, puis invente les siens propres, dans le sillage de la musique sérielle.

La musique sérielle est un développement logique de la musique dodécaphonique dans laquelle on cherche à organiser les 12 sons égaux de l'échelle sonore. Alors on imagine d'employer toutes les hauteurs possibles selon des suites ou séries déterminées. Mais pas seulement les hauteurs. Les intensités et les durées de sons sont également utilisées dans toutes leurs valeurs possibles. Bien évidemment, le tempo régulier n'existe plus. Avec Webern, puis Pierre Boulez (français, né en 1925), on a plutôt des agrégats sonores, des sons éparpillés ou regroupés, des cellules, des points, des lignes, créant diverses ambiances ou couleurs sonores.

En définitive, des règles classiques du rythme, il ne reste rien. Toute valeur, toute division, tout enchainement sont possibles. Il s'ensuit bien évidemment qu'on ne peut plus reconnaitre de thème mélodique dans ces œuvres.

Emploi de nouveaux matériaux sonores

Les sonorités (ou timbre - voir l'article Timbre) tirent également parti de ce foisonnement d'inventions: instruments employés, manière de les jouer, composition des orchestres et ensembles. Y participent de façon remarquée Hector Berlioz (qui augmente le nombre d'instruments pour produire des effets grandioses), Wagner, Stravinsky... Au fur et à mesure que les harmonies se complexifient et se transforment en agrégats sonores, le son est considéré comme une matière, avec son intérêt propre. On le tourne et le retourne, on le déforme, on l'expose dans tous les sens pour en extraire tous les saveurs possibles.

Au 20e siècle, des appareils électroniques font leur entrée sur la scène musicale, introduisent des sons synthétiques, et apportent la possibilité de transformer n'importe quel son, synthétique ou enregistré, par des filtres. On peut les couper partiellement, changer leur hauteur, leur rythme, les passer à l'envers... Toutefois, ces sons ne peuvent pas être exécutés par un orchestre. En concert, on fait entendre des bandes magnétiques, souvent accompagnées d'un orchestre réel. Karlheinz Stockhausen (allemand né en 1928) est un pionnier de cette musique électronique.

Edgar Varèse (compositeur français naturalisé américain, 1883 - 1965) se plait à appréhender le son sous forme de masses sonores auxquelles il donne corps. "Pour Varèse, la volupté sonore n'est pas une valeur de seconde main, c'est une qualité primordiale de la musique. Mais entendons-nous bien, cette volupté n'a rien d'une caresse épidermique. Elle n'invite pas à des pâmoisons distinguées. Ce serait plutôt un viol de l'oreille, une possession physique comprise dans un sens le plus dionysiaque, celui qui fait de l'agression le plus puissant ressort de l'assouvissement érotique" (Henry Barraud, Pour comprendre les musiques d'aujourd'hui). Varèse est surtout connu pour son œuvre Déserts (1954) pour instruments à vent, percussions et bande magnétique.

Edgard Varèse

L'exploration du phénomène sonore comme manifestation de la matière se poursuit de nos jours, facilitée par le développement rapide des techniques informatiques et des connaissances scientifiques. C'est le cas de la musique spectrale (avec Gérard Grisey et Tristan Murail) qui exploite les notions d'harmoniques et timbre.

Une autre voie d'exploration, celle par exemple de Luciano Bério (italien, 1925 - 2003), consiste à tirer parti des instruments d'une façon beaucoup plus large. "Voix ou instruments sont poussés à l'extrême limite de leur virtuosité, arrachés à leur tradition, élargis. Il libère une expression verbale souvent affective, spontanée, immédiatement descriptive: murmures, cris, souffles, pleurs, bruissements, onomatopées attachées à la vie corporelle. Il libère la respiration", nous dit l'IRCAM.

Luciano Bério
Sequenza VII pour hautbois seul 

En atelier musical, il est curieux de constater que cette nouvelle musique d'exploration du son est à la portée de tous, si on l'aborde comme un jeu. Les enfants adorent. Comme eux, retrouvons ce plaisir ludique sans jugement. Nous nous amusons à produire des bruits et sons divers, avec des objets, avec notre voix dans tous ses aspects, avec notre corps (pieds, mains, etc.).

D'autres compositeurs introduisent comme sons nouveaux, des bruits provenant de la vie courante. C'est ce qu'on désigne sous le terme de musique concrète. Pierre Henry (français, 1927 - 2017) compose Variations pour une porte et un soupir (1963) et Messe pour le temps présent (1967), qui a été chorégraphiée par Maurice Béjart. Il y mêle musiques concrète et électronique.

Pierre Henry

Variations pour une porte et un soupir

Nouvelles méthodes de composition et de représentation

On change aussi la disposition de l'orchestre dans l'espace du concert. Dans certains cas, on place plusieurs orchestres jouant des parties différentes en des endroits distants.

Gênés par le côté trop fixe d'une œuvre, des compositeurs écrivent de la musique aléatoire, dans laquelle la partition propose plusieurs choix à différents moments de l'exécution. Quelquefois, c'est le chef qui décide, et pour d'autres, ce sont les musiciens individuellement. Quelquefois, le choix est induit par un évènement extérieur, comme un danseur qui invente des mouvements.

Pour composer, Ianis Xénakis fait appel à de puissants ordinateurs qui déterminent les groupes de sons qu'il souhaite pour traduire sa pensée musicale, au moyen de calculs des probabilités (musique stochastique).

Tendances de la musique actuelle

Libres de toutes contraintes

Voici donc la création musicale libérée de toute règle imposée. Ni la tradition, ni l'église, ni les rois, ni la norme sociale ne soumettent plus le compositeur à ses obligations ou ses souhaits. Tout semble permis dans la création musicale: l'atonalité n'exclue pas la tonalité, le tempérament coexiste avec l'absence de tempérament, l'échelle continue des sons avec des notes bien définies, rythmes et sonorités se présentent de façons les plus diverses, etc. Quand tout est possible, il reste au compositeur à choisir lui-même sa forme d'expression. Il se trouve face à lui-même, à sa sensibilité, à sa personnalité, au public et à la société. Comment les compositeurs d'aujourd'hui gèrent-ils cette liberté?

Voici des pistes empruntées par quelques compositeurs. Attention, il ne s'agit pas d'une photographie de la situation actuelle, mais de coups de projecteurs sur des aspects particuliers de la musique élaborée à partir de la deuxième moitié du 20e siècle, à la suite de la musique dodécaphonique.

Communiquer avec le public

Le langage utilisé par la musique du 20e siècle s'est souvent éloigné de la sensibilité du public. Des compositeurs se sont questionnés. Comment créer une musique qui soit compréhensible par un large public, au-delà d'un petit cercle de spécialistes?

Betsy Jolas (états-unienne née à Paris en 1926) estime que la recherche du phénomène sonore, pour instructive qu'elle soit, nous a coupé de la beauté et du langage du cœur. Elle s'est surtout intéressée à la voix et accorde la même importance à toutes les dimensions de la musique (mélodie, harmonie, timbre). Il est intéressant de la citer, car elle est une des rares femmes compositrices "professionnelles". Elle recherche la sensibilité féminine en musique.

Betsy Jolas

Épisode 1 et Quatre pièces en marge

Unsuk ChinUne jeune compositrice coréenne déjà réputée (Unsuk Chin, née en 1961, résidant en Allemagne), semble avoir trouvé sa voie dans des œuvres très colorées (voir sa biographie en anglais).

André Jolivet (français, 1905-1974) "recherche de façon méthodique à assigner à sa musique une fonction magique, incantatoire. À cela concourt une rythmique très complexe et l'usage corollaire d'une batterie très importante, riche en instruments exotiques et dans laquelle le son et le bruit se mélangent de façon organique, le son pouvant, dans certains cas, agir comme une sorte de résonateur des bruits répartis à la percussion" (Henry Barraud). Sa musique foisonne de vitalité.

André Jolivet

deuxième concerto pour trompette

Musiques de film

Sans que nous nous en rendions compte, nous sommes en partie familiarisés avec tous ces types de musique contemporaine et de leurs sonorités, par l'intermédiaire du cinéma et des musiques qui l'accompagnent. Les musiques de films sont souvent des oeuvres musicales véritables. Soutenues par l'image, elles nous paraissent aller de soi, car elles épousent l'histoire, créent des ambiances, provoquent des gammes d'émotions. Explorer l'âme humaine sous tous ses aspects émotionnels et mentaux au travers du son est l'une des dimensions de la musique contemporaine.

Certains compositeurs se sont spécialisés dans la musique de film. Mais il n'y a pas de distinction nette de genre entre les deux, seulement des contraintes différentes et une diffusion commerciale spécifique. Des extraits d'oeuvres de compositeurs contemporains sont incluses dans des films, et ces compositeurs eux-mêmes n'hésitent pas à composer de la musique de film, tels  Sergueï Prokofiev (russe, 1891 - 1953), Arvo Pärt (estonien né en 1935) ou Philip Glass (états-unien né en 1937).

Dance, extrait de Akhnaten (Akhénaton)
opéra de Philip Glass. Acte 2, scène 3.

L'apport des musiques de la planète

Le formidable essor technologique des moyens de transport des personnes et des télécommunications a eu pour conséquence une internationalisation de la musique. Les compositeurs occidentaux ont pénétré les musiques ethniques d'une façon plus intime et respectueuse. Georges Gerschwin (états-unien, 1898 - 1937), un pionnier, a intégré la musique de jazz dans certaines œuvres (Rhapsodie in blue). Puis les compositeurs des autres traditions eux-mêmes se sont mis à voyager et enseigner leurs musiques (arabe, amérindiennes, indiennes, japonaise, africaine, balkaniques...). Si elles plongent leurs racines dans la tradition, elles n'en sont pas moins des œuvres contemporaines, inscrites dans une culture internationale.

Ravi Prasad (indien né au Kérala, 1955) n'a pas eu besoin d'aller chercher l'inspiration en Inde puisqu'il y est né et qu'il s'est formé à Madras. Vivant en France depuis 1985, il s'est imprégné de nombreux courants musicaux: jazz, musique électroacoustique, musiques ethniques. Sa musique est la fusion organique du style indien traditionnel et de la culture occidentale. Ce mariage s'exprime parfois dans les titres de ses oeuvres (Entre deux). Polyphonies indiennes, compositions inspirées des chants de fêtes et de labeur qui rythment les saisons, instaurent la polyphonie dans la musique traditionnelle indienne.

L'inspiration mystique

Même dans les périodes de fortes recherches matérialistes, il y a toujours eu des compositeurs pour qui la musique était un moyen d'exprimer leur ferveur mystique: Messiaen, Francis Poulenc (français, 1899 - 1963).

La suite d'orchestre Les planètes de Gustav Holst (anglais, 1874-1934) est issue de sa passion pour la mystique. Elle préfigure la musique de John Williams dans le film La guerre des étoiles. Il s'est aussi intéressé à la musique indienne.

Gustav Holst
Les planètes

Arvo Pärt (estonien, né en 1935) s'est d'abord initié à la musique sérielle, puis il y a renoncé et s'est consacré à l'étude de la musique médiévale et au chant grégorien, qui influenceront fortement ses compositions. Elles sont d'inspiration religieuse et épurées. "Je construis à partir d'un matériau primitif - avec l'accord parfait, avec une tonalité spécifique. Les trois notes d'un accord parfait sont comme des cloches. C'est la raison pour laquelle je l'ai appelé tintinnabulation." Et aussi: "La complexité et les faces multiples ne font que me rendre confus et je cherche l'unité".


Arvo Pärt, Te Deum

La musique, expression caractéristique d'une époque

Chacun des genres de musique qui se sont succédé du Moyen-Âge à nos jours produit des impressions caractéristiques de l'époque, du pays, de la mentalité d'une communauté, d'une société.

Ainsi, les musiques romantiques (Beethoven, Chopin, Schumann, Berlioz, Brahms...) expriment les vicissitudes de l'âme, les tourments de l'amour et la gamme des sentiments humains. Elles s'adressent à notre dimension émotionnelle. En remontant le temps jusqu'à Mozart, Haendel et la musique classique, nous voici dans la beauté émanant d'une harmonie, d'une organisation, d'une structure. C'est la dimension du mental (ce qui ne veut pas dire intellectuel, car relié au vivant et au spirituel), qui s'inscrit dans la vie sociale. Bach nous en offre une version plus verticale, s'étirant vers le haut plus que vers le social. Avec la musique médiévale, le chant grégorien et les modes liturgiques, nous sommes dans la dimension spirituelle.

Le temps semble nous avoir emmenés successivement dans toutes nos dimensions, du spirituel à l'émotionnel, et cela se prolonge dans la musique moderne. L'utilisation des sons et des accords complexes nous plonge dans la sensation et la sensorialité. Stravinsky, avec le Sacre du printemps et ses rythmes impulsifs et plein de vitalité nous entraine dans le monde des forces vitales primordiales. On les retrouve dans l'apport des musiques folkloriques et ethniques et dans l'irruption des musiques africaines redigérées sous forme du jazz et du rock. Enfin les productions de la musique contemporaine nous emmènent aussi bien dans la manipulation de la matière sonore, que dans des évocations minérales au travers de la musique concrète ou électronique.

La musique, expression d'un choix d'être

L'impression laissée par ce rapide survol de 12 siècles de création musicale est celle d'une richesse d'invention et de transformation. La création musicale se déploie, se cherche, se modifie, se réinvente. C'est l'expérimentation liée aux forces de vie qui s'explorent dans toutes leurs dimensions, dans toutes leurs possibilités. Les musiques nous touchent différemment selon ce qu'elles véhiculent. Elles entrent véritablement en contact physique, elles touchent notre corps. Elles produisent des impressions (impression = pression vers l'intérieur, ou empreinte énergétique). Il y a des musiques qui participent à l'épanouissement de l'être, qui nous vivifient et nous réjouissent. Il en est d'autres qui transmettent leur caractère tourmenté, aride, disloqué, agressent l'être et quelquefois le déstructurent et corrompent sa pensée (exemple la techno).

Dans l'élaboration d'une œuvre, un créateur traduit son état intérieur en communiquant des impressions au moyen de langages musicaux qui sollicitent son esprit. Or cet état intérieur a des composantes diverses. Quelles sont celles qui se mettent sur le devant de la scène? (voir ci-dessous le point de vue de G.I. Gurdjieff: L'art subjectif et l'art objectif). Sont-ce les états émotionnels de la personne, qui portent ses joies, ses désirs, ses frustrations et ses ressentiments, sont-ce sa sensorialité et sa sensualité? Est-ce la manifestation de son être profond? La musique contemporaine s'est parfois laissée fasciner par la sensorialité du phénomène sonore ou par des constructions mentales élaborées. Si la volupté sensorielle et l'invention raisonnée sont des facultés louables et bienfaisantes de l'être humain, il peut s'y perdre si elles ne sont pas reliées à son centre. L'erreur est d'oublier qui on est cet être profond qui demande à être écouté.

L'art subjectif et l'art objectif
selon G.I. Gurdjieff

"Dans votre art, tout est subjectif - la perception qu'a l'artiste de telle ou telle sensation, les formes dans lesquelles il a cherché à l'exprimer, et la perception de ces formes par les autres. En présence d'un seul et même phénomène, un artiste peut sentir d'une certaine façon, et un autre artiste d'un façon toute différente. Un même coucher de soleil peut provoquer une sensation de joie chez l'un et de tristesse chez l'autre [...]. Et les spectateurs, les auditeurs ou les lecteurs percevront non pas ce que l'artiste voulait leur communiquer, ou ce qu'il a ressenti, mais ce que les formes par lesquelles il aura exprimé ses sensations leur feront éprouver par association. Tout est subjectif et tout est accidentel, c'est-à-dire basé sur des associations - les impressions accidentelles de l'artiste, sa "création" et les perceptions des spectateurs, des auditeurs ou des lecteurs.

Dans l'art véritable, au contraire, rien n'est accidentel [...]. L'artiste sait et comprend le message qu'il veut transmettre, et son œuvre ne peut pas produire une certaine impression sur un homme et une impression toute différente sur un autre - à condition, naturellement, de prendre des personnes d'un certain niveau. Son œuvre produira toujours, avec une certitude mathématique, la même impression. Cependant, la même œuvre d'art produira des effets différents sur des hommes de différents niveaux. [...] Voilà l'art vrai, objectif. Prenez par exemple un ouvrage scientifique - un livre d'astronomie ou de chimie. Il ne peut pas être compris de deux manières: tout lecteur suffisamment préparé comprend ce que l'auteur a voulu dire et précisément de la façon dont l'auteur a voulu être compris. Une oeuvre d'art objective est exactement semblable à l'un de ces livres, avec cette seule différence qu'elle s'adresse à l'émotion de l'homme et non pas à sa tête.

[Il existe de nos jours des œuvres d'art de ce genre]. Le grand Sphynx d'Egypte en est une, de même que certaines œuvres architecturales connues, certaines statues de dieux, et bien d'autres choses encore. Certains visages de dieux ou de héros mythologiques peuvent être lus comme des livres, non avec la pensée, mais avec l'émotion, pourvu que celle-ci soit suffisamment développée. Au cours de nos voyages en Asie Centrale, nous avons trouvé dans le désert, au pied de l'Hindu Kush, une curieuse sculpture dont nous avions pensé d'abord qu'elle représentait un ancien dieu ou démon. Elle ne nous donna au début qu'une impression d'étrangeté. Mais bientôt nous avons commencé à sentir le contenu de cette figure: c'était un grand et complexe système cosmologique. Petit à petit, pas à pas, nous avons déchiffré ce système: il s'inscrivait sur son corps, sur sa tête, sur son visage, sur ses yeux, sur ses oreilles, et partout. Dans cette statue, rien n'avait été laissé au hasard, rien n'était dépourvu de signification. Et graduellement, se fit jour en nous l'intention des hommes qui l'avaient érigée. Nous pouvions désormais sentir leurs pensées, leurs sentiments. Certains d'entre nous croyaient voir leurs visages et entendre leurs voix. En tout cas, nous avions saisi le sens de ce qu'ils voulaient nous transmettre à travers des milliers d'années et non seulement ce sens, mais tous les sentiments et émotions qui lui étaient liés. Cela c'est vraiment de l'art."

Extraits de Fragments d'un enseignement inconnu, P.D. Ouspensky, éd. Stock, 1949, 1974


Voici un développement technique et conceptuel sur les accords, destiné à ceux qui sont familiarisés avec la notion d'accord, peut-être par la pratique de la guitare ou des claviers: définition des accords et rapport avec la tonalité.

Accords des gammes majeures et mineures:
Affirmation de la tonalité

Des notes tenues émises simultanément constituent un accord. Plus précisément, dans la pratique harmonique classique consacrée par la théorie, les notes superposées ne sont pas arbitraires, elles appartiennent aux mélodies, donc à la gamme de la tonalité dans laquelle elles sont écrites. En définitive, la théorie énonce qu'un accord est la superposition de sons différents appartenant à une même gamme et distants de tierces. Le son le plus grave est le son sur lequel repose l'accord, sa base, son socle. Lorsque nous considérerons les notes d'un accord, elles seront définies par l'intervalle qui les sépare de ce son de base ou son fondamental.

Accords de 3 notes (accords de quinte)

On ne parle d'accord qu'à partir de 3 sons simultanés. Les plus simples sont donc des accords de 3 notes, appelés accords de quinte parce que leur note la plus élevée est la quinte (pour la définition des intervalles, voir article hauteur des sons). Un accord de quinte est fait d'un son de base (dit fondamental), de la tierce et de la quinte. (voir les figures ci-dessous)

Prenons par exemple l'accord de quinte établi sur la note DO. C'est DO/MI/SOL. Si l'on recherche tous les accords de quinte que l'on peut établir dans la gamme majeure, on en trouve de 3 types: accord majeur, accord mineur, accord de quinte diminuée.

Accords de quinte juste majeurs (accords parfaits majeurs)

Un accord parfait majeur est constitué du son fondamental, d'une tierce majeure et d'une quinte juste. L'intervalle de quinte de 3 tons et demi, comme dans DO-SOL, est dit juste. C'est la quinte naturelle de la gamme, qui sonne de façon harmonique (voir article sur les harmoniques). La tierce majeure a une étendue de 2 tons (comme dans DO-MI).

Dans la gamme majeure, on trouve 3 accords majeurs, posés sur les degrés 1, 4 et 5. En DO majeur, ces degrés sont DO, FA et SOL et les accords: DO/MI/SOL, FA/LA/DO, SOL/SI/RÉ. Vous pouvez vérifier qu'à eux trois, ces accords contiennent les 7 notes de la gamme majeure. Les sons fondamentaux qui les supportent ont donc des rôles clés et sont désignés de façon significative: tonique (degré 1), sous-dominante (degré 4), dominante (degré 5). On les nomme notes tonales. Guitaristes ou clavistes, vous reconnaitrez là les premiers accords que vous avez appris pour accompagner vos chants de débutants. Ces 3 degrés et ces 3 accords sont les piliers de la tonalité.

Accords de quinte juste mineurs (accords parfaits mineurs)

Un accord parfait mineur est constitué du son fondamental, d'une tierce mineure et d'une quinte juste. La tierce mineure a une étendue de 1 ton et demi (comme dans DO-MIb ou LA-DO). Dans la gamme de DO majeur, on trouve 3 accords mineurs, posés sur les degrés 2, 3 et 6 (RÉ, MI, LA): /FA/LA, MI/SOL/SI, LA/DO/MI.

Accords de quinte diminuée

Dans la gamme majeure, il reste l'accord construit sur le septième degré (SI): SI/RÉ/FA.  Il est fait d'une tierce mineure et d'une quinte diminuée (diminuée d'un demi-ton par rapport à la quinte juste). C'est un accord de quinte diminuée.

Accords de quinte augmentée

Ayant établi les 7 accords de la gamme majeure, passons à la gamme mineure dont le modèle est la gamme de LA mineur. Comme la seule différence avec la gamme de DO majeur est le SOL#, on va retrouver les mêmes accords, sauf les 3 qui contiennent ce SOL#. On obtient des accords parfaits majeurs et mineurs, des accords de quinte diminuée et un accord d'un nouveau type, l'accord de quinte augmentée.

2 accords majeurs posés sur les degrés 5 et 6 (MI, FA): MI/SOL#/SI et FA/LA/DO
2 accords mineurs posés sur les degrés 1 et 4 (LA, RÉ): LA/DO/MI et /FA/LA
2 accords de quinte diminuée posés sur les degrés 2 et 7 (SI, SOL#): SI/RÉ/FA et SOL#/SI/RÉ

Enfin, l'accord construit sur le degré 3 (DO): DO/MI/SOL# a une tierce majeure et une quinte augmentée. C'est un accord de quinte augmentée.

Accords de la gamme majeure

Accords de quinte de la gamme majeureaccords de septième de la gamme majeure

Accords de la gamme mineure

Accords de quinte de la gamme mineureaccords de septième de la gamme mineure

Accords de 4 notes (accords de septième)

A partir des accords de quinte qui se présentent déjà sous 4 types différents, si on ajoute une quatrième note, l'intervalle de septième, on dénombre encore plus de combinaisons possibles entre les intervalles composant l'accord: selon les cas, la tierce est majeure ou mineure, la quinte juste, diminuée ou augmentée et la septième majeure, mineure ou diminuée. Pour l'ensemble des 2 gammes majeure et mineure, on décompte 7 espèces d'accords de septième (voir les figures ci-dessus). 

Portons notre attention sur trois d'entre eux, l'accord de septième de dominante, l'accord de septième de sensible, et l'accord de septième diminuée.

Le degré 5 des gammes majeure et mineure est appelé dominante parce qu'il a un rôle important par rapport à la tonique ou note de base de la gamme. L'accord de septième posé sur le degré 5 s'appelle accord de septième de dominante. Ainsi, en DO majeur, le degré 5 est SOL et l'accord de septième de dominante est SOL/SI/RÉ/FA. Il est composé d'un accord parfait majeur plus une septième mineure (SOL-FA).

L'accord posé sur la sensible ou degré 7 de la gamme majeure (SI) est l'accord de septième de sensible SI/RÉ/FA/LA, composé d'un accord de quinte diminuée et d'une septième mineure SI-LA. La gamme mineure ne diffère de la majeure que par une seule note, la septième (SOL# en LA mineur) qui est haussée d'un demi-ton par rapport à la note identique (SOL), cinquième de la gamme majeure. Aussi, les accords ne comportant pas de SOL sont identiques dans les deux gammes, posés sur les notes SI, RÉ, FA. On retrouve donc sur le SI (degré 2) l'accord de septième de sensible.

Au contraire, l'accord posé sur la sensible ou degré 7 de la gamme mineure (SOL# en LA mineur) diffère de l'accord de septième de sensible par sa septième qui est diminuée, c'est-à-dire abaissée d'un demi-ton (SOL# - FA) par rapport à la septième mineure. C'est l'accord de septième diminuée. Il est fait d'un accord de quinte diminuée et d'une septième diminuée: SOL#/SI/RÉ/FA.

Intervalle de quinte diminuée. Rôle de la note sensible

En majeur, la quinte diminuée sur la sensible SI (SI-FA) est un constituant de l'accord de quinte diminuée (SI/RÉ/FA). Si on ajoute le SOL en-dessous, on a l'accord de septième de dominante de SOL (SOL/SI/RÉ/FA). Les deux accords sont donc cousins. Ils on en commun la quinte diminuée SI - FA.

La quinte diminuée donne l'impression qu'on est quelque part en suspension, prêt à revenir chez soi, sur la tonique. La quinte SI-FA conduit à la tierce DO-MI. L'accord de quinte diminuée SI/RÉ/FA, en tension, se résout par l'accord parfait majeur SOL/DO/MI. C'est ce sentiment d'appel vers la tonique, dû à la note sensible SI, qui fait que les accords de quinte diminuée et de septième de dominante sont tonals. L'effet tonal de la sensible du mode majeur est tel qu'on l'a calqué dans le mode mineur en élevant la septième note d'un demi-ton.

Illustration sonore de la résolution de la quinte diminuée

Résolution de la quinte diminuée

Accords complexes: Vers la polytonalité

Accords de 5 notes (accords de neuvième)

Continuons à complexifier les accords, comme l'ont fait les compositeurs du 19e siècle, en ajoutant une cinquième note, l'intervalle de neuvième. Si, à l'accord de septième de dominante, on ajoute la neuvième, on obtient la neuvième de dominante.

En DO majeur, c'est SOL/SI/RÉ/FA/LA, soit tierce majeure/quinte juste/septième mineure et neuvième majeure. Construit à partir du DO (en FA majeur), cela donne: DO/MI/SOL/SIb/RÉ. Cette neuvième DO/RÉ est moins conclusive que la septième DO/SIb et on est tenté de s'y attarder. C'est ce qu'ont fait César Franck et les musiciens de jazz.

Polytonalité

Les compositeurs se plaisent à ajouter des notes étrangères dans les accords de septième, pour le plaisir d'habiller l'accord d'une sonorité plus riche. Exemple:

L'accord de septième de dominante en FA majeur est  DO/MI/SOL/SIb. On le modifie avec une septième majeure, DO/MI/SOL/SI, comme si on était en DO majeur. En introduisant cette note SI, étrangère à la tonalité initiale de FA majeur, on invite la présence de la tonalité DO majeur à coexister avec FA majeur.

Accords de 7 notes (accords de treizième)

C'est encore plus facile et tentant avec des accords plus complexes. Pris par le jeu, les compositeurs ont introduit des accords de 6 notes (onzième) puis de 7 notes (treizième). Ravel et les musiciens de jazz emploient des accords de treizième comme (en DO majeur) DO/MI/SOL/SI/RÉ/FA#/LA. Le FA# est un étranger et a été ajouté. Cet accord de treizième contient 3 accords parfaits qui appartiennent à plusieurs tonalités: DO/MI/SOL (DOM) - SOL/SI/RÉ (SOLM) - RÉ/FA#/LA (RÉM).

La seule affirmation qu'on reste bien en DO majeur est le son fondamental, la basse DO. Si on la supprime, la tonalité devient indéterminée. C'est ce qu'on fait Bartok et Messiaen.

En savoir plus

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07 mars 2007

Texte conforme à la nouvelle orthographe française (1990)